Les femmes de Thozée

En 1860, au décès de sa mère, Charlotte Rops – Polet de Faveaux hérite du château de Thozée, où réside son oncle Ferdinand, qui s'occupe des fermes et y décède en 1877.

Dès leur mariage en 1857, Thozée devient la résidence de villégiature de Félicien et Charlotte.

À partir de 1874, Charlotte occupe régulièrement le château, car le lieu est propice à la santé de son fils Paul. Elle écrit en mai 1874 à Félicien, qui est à Paris pour sa carrière :

« Tout est charmant, frais, adorable, et moi aussi je me sens renaître et vivre. Partout on ne voit que fleurs, verdure, les chants des fauvettes, des rossignols vous font regretter les quelques heures de sommeil pendant lesquelles on ne peut les entendre. Les myosotis du bord de l'étang sont superbes, avec leurs milliers de petits yeux bleus si doux !... À côté, nous avons de gros boutons d'or doubles, d'un ton vif, éclatant. Puis, sous les fenêtres de ma chambre, les bordures d'Iris, et ça et là, des touffes de jolis gazons, hélas, rose pâle (…). Vendre la maison, et habiter la campagne une bonne partie de l'année, est chose absolument nécessaire à la santé de Paul… Là est le seul parti que nous ayons à prendre et sans hésiter, car ces secousses nerveuses, sans cesse répétées, finiraient certainement par devenir des plus graves !! – J'oublie de te dire que l'Oncle Ferdinand m'a parfaitement accueillie, et même très affectueusement, mais par crainte d'un changement subit dans les idées, je me suis immédiatement installée chez moi, et déjà mon petit ménage est en ordre, avec d'énormes bouquets partout, de la vie et de la ″gaîté″… Paul t'écrira demain. Au revoir, Cher ami, et bon courage… Avec de l'énergie, et de la droiture, on parvient à tout dominer. Pense à Charlotte, et aime-la comme elle voudrait être aimée. Écris-nous. Carlotta. »

À la fin de l'année 1874, Charlotte apprend l'existence d'une nouvelle liaison amoureuse de Félicien. Elle lui écrit cette lettre :

« Vous ne voulez plus me voir, Félicien, soit… Vous ne me verrez plus !... (…) C'est vous-même, Félicien, qui auriez dû demander cette séparation depuis de longues années. Votre vie actuelle est certainement loin de celle que vous prépariez depuis deux ans, avec tant de patience et de cruauté, mais il me semble pourtant qu'être libre et ne plus me mentir sans cesse doit être pour vous un soulagement. Cette dernière épouvantable liaison, la huitième que je vous connais depuis notre mariage, a été pour vous le châtiment des autres, moi elle m'a tuée !! Puisque vous ne voulez plus me voir et me priez de ne plus vous écrire, je veux que mon dernier mot soit pour vous un mot de pardon. Mon amour pour vous était trop pur et trop grand pour que jamais je puisse éprouver contre vous aucun sentiment de haine ou de vengeance indigne de moi… Je vous pardonne donc, Félicien, toute ma si triste vie – et si, de mon côté, je vous ai causé quelque chagrin, c'était bien sans le vouloir, et je vous prie de l'oublier. Adieu, Charlotte. »

Charlotte s'installera alors définitivement à Thozée avec son fils Paul. La vie est dès lors synonyme de solitude et d'attente pour Charlotte. Ses activités se résument au jardinage, à la cuisine, à la couture, à la lecture… Elle y meurt en 1929, un an après Paul. Sa belle-fille, Valentine Meuffels, prendra alors en charge le château, y vivant avec ses cinq enfants, dont sa fille Elisabeth, qui sera la dernière occupante du lieu. En 1994, deux ans avant son décès, Elisabeth créera le Fonds Félicien Rops afin que Thozée reste un lieu de mémoire et de création. Elisabeth avait préparé son départ, éparpillant un peu partout des notes et consignes telles que :

« Faire du parc de Thozée une oasis pour les oiseaux, les lapins et autres animaux… »