Le Château
C'est en se fiançant à Charlotte, la fille de Théodore Polet de Faveaux, juge au tribunal de Namur, que Rops fait irruption dans la gentilhommière de Thozée en 1852.
Mariés en 1857, Félicien et Charlotte résideront à Namur puis à Bruxelles, mais Thozée ne tarde pas à devenir leur villégiature privilégiée. Félicien a beau se moquer de « ce châtelet flanqué de hideuses tourelles Louis XIV qui essayent de se donner des airs de bonne société malgré leurs lézardes », il s'approprie le lieu, et Thozée devient pour lui une respiration entre deux fascinations urbaines. Thozée devient « son paraclet, son Port-Royal des Champs ».
Il y invite ses amis peintres, écrivains, botanistes, dont Edmond Lambrichs, qui décore le plafond de la salle à manger, et Charles Baudelaire, qui séjourne à Thozée durant son exil en Belgique. Baudelaire décrit dans Pauvre Belgique, le beau-père de Rops :
« Singulier homme, magistrat sévère et pourtant jovial, grand chasseur et grand citateur. Il a fait un livre sur la chasse et m'a cité des vers d'Horace, des vers des Fleurs du mal et des phrases d'Aurevilly. M'a paru charmant. Le seul Belge connaissant le latin et sachant causer en français. »
Baudelaire dira également de Rops qu'il est :
« Le seul véritable artiste (dans le sens où j'entends, moi et moi seul peut-être, le mot artiste) que j'ai trouvé en Belgique. »
Il convie aussi le botaniste Devos et propose à l'éditeur de Baudelaire, Auguste Poulet-Malassis, de les rejoindre pour une « petite débauche scientifique » :
« Nous lèverons les jupons des mandragores pourprées et nous humilierons les coquelicots en les appelant Papaver Rheas ! Ce sera charmant. »
Bien qu'installé dès 1874 à Paris, Félicien Rops revient régulièrement à Thozée. En 1878, alors qu'il travaille aux Cent légers croquis sans prétention pour réjouir les honnêtes gens, il écrit à son commanditaire Jules Noilly :
« Vous pouvez toujours m'écrire à Thozée ; la concierge a toujours mon adresse, et a ordre de me faire parvenir vos lettres où je suis. Puis vous savez quel être errant, fugace et vagabond je fais, et c'est le seul moyen d'être certain que les lettres arrivent, que de les expédier à Thozée (…) »