La création du Fonds Félicien Rops
Élisabeth Rops fut la dernière occupante du château. Petite-fille de Félicien Rops, elle s'inquiétait de l'avenir du domaine. Elle évoquait régulièrement ses préoccupations avec le cinéaste Thierry Zéno, qui avait été présenté à elle et à son frère Pierre en 1983 par Guy Cuvelier, conservateur-adjoint au musée Rops, et son épouse Monique Ladot, pour le tournage d'un documentaire sur Félicien Rops. Thierry, Guy, et Monique devinrent des amis fidèles d'Élisabeth et déployèrent beaucoup d'énergie pour faire reconnaître l'œuvre de Félicien Rops.
Après les décès successifs de son frère Pierre en 1990 et de Guy Cuvelier en 1991, Élisabeth se retrouva seule dans la demeure. Malgré les toits percés, la peinture écaillée et les fissures, elle resta maître à bord, colmatant tant bien que mal les brèches, notant ses souvenirs, inventoriant les documents… et décida, en 1994, avec l'aide de Thierry, Monique, et quelques proches dont son notaire, de créer une fondation. Ensemble, ils rédigèrent les statuts et les objectifs de l'association.
En instituant le Fonds Félicien Rops comme légataire universel, Élisabeth lui confia une mission passionnante : restaurer le château de Thozée, lui insuffler une nouvelle vie culturelle en y encourageant la création artistique et rendre accessibles les précieuses archives des familles Rops, de Faveaux et Polet, qui avaient habité Thozée pendant des siècles.
À propos de son grand-père, elle note :
« Chevalier de la Légion d'honneur (décoré par la France mais pas par la Belgique). Graveur, aquafortiste, littérateur, féministe, humoriste, botaniste, arboriculteur. Le jardin de Thozée était de son temps un paradis de rosiers et de fleurs. F. Rops était un homme qui vivait intensément, beau et bon, généreux, intelligent, cultivé, sportif, cavalier, canotier (club nautique de Namur). De son temps, sa réputation était grande ; nombre d'artistes et de littérateurs le fréquentaient : Baudelaire, Artan, Barbey d'Aurevilly, le peintre Dubois et bien d'autres. Très méticuleux dans son travail, possédant très jeune toutes les ressources de son métier, mais se perfectionnant sans cesse, inventant certains procédés de gravure. Il voyageait beaucoup et rapportait croquis et dessins. C'était un homme tendre et sensible, très attaché à sa famille, à son foyer, à son fils. Ma grand-mère ayant refusé de le suivre à Paris, la solitude du début lui a été dure. Il est vrai qu'il était un peu volage, la mort de leur petite fille Juliette les avait traumatisés très fort, ma grand-mère et lui. La beauté des femmes l'attirait, sans doute un besoin de renouvellement constant, comme beaucoup d'artistes. Il fut malade longtemps et s'éteignit à la Demi-Lune, Essonnes, en août 1898. »
Élisabeth demanda simplement que rien ne soit entrepris avant son décès. Elle n'aimait pas être dérangée dans sa demeure, ayant appris à vivre avec la solitude. À son décès en juin 1996, les administrateurs et administratrices du Fonds Rops acceptèrent le défi, conscients de l'ampleur de la tâche à accomplir.
Sans le soutien financier des pouvoirs publics et de mécènes, sans les encouragements des membres du Fonds, sans le dévouement de bénévoles, rien n'aurait pu être entrepris. Le château fut classé, ce qui permit de prendre les premières mesures pour éviter la dégradation. Les travaux débutèrent : réfection complète des toitures, rénovation des menuiseries extérieures, chauffage et ventilation, égouttage et traitement contre l'humidité, restauration des façades, de l'électricité, des équipements sanitaires…
Actuellement, le Fonds Rops est à la fois reconnu comme lieu de création en arts plastiques par la Fédération Wallonie-Bruxelles et comme opérateur d'appui du musée Rops. Il reçoit également une aide du Service du Livre de la F-WB. Résidences d'artistes et d'auteur.rice.s, stages artistiques, expositions, rencontres d'artistes, et accueil d'académies y sont organisés. Les archives sont en cours de dépouillement afin d'accroître les connaissances scientifiques sur Félicien Rops et son époque.